La musique acousmatique d’Armando Balice travaille la matière brute, prise sur le vif par le microphone ou modelée en suivant les méandres des synthétiseurs, comme si tout bloc de son contenait déjà implicitement la forme à venir et comme si la forme, une fois survenue, devait toujours conserver quelque chose de sa rudesse originelle. C’est une musique qui joue des contrastes francs, presque caricaturaux : le noir et le blanc, le silence et le bruit, les pleins et les vides. C’est autant un art du montage que du télescopage, la délicate rosace se fracasse sur le mur de béton en de grands élans respiratoires. C’est une architecture aussi dramatique qu’instable faite d’élévations qui ne cessent de chuter et d’effondrements qui se recomposent aussitôt. De ces heurts et de ces entrechocs, de ces équilibres fragiles et de leurs tensions savamment entretenues, naissent les images. La rencontre d’un violoncelle et d’une nuée d’oiseaux sur la table de dissection électronique du compositeur appellera forcément la beauté convulsive qui guidera l’écoute vers des paysages insoupçonnés aux reliefs vertigineux. Ses jardins sonores sont des créations fantastiques empreintes d’un lyrisme noir, leur force tectonique fait surgir du sol de grands à-plats mobiles dont l’apparente monochromie ne dissimule qu’à peine la richesse des matières qui s’y déploient. On voit toujours davantage dans l’obscurité qu’on ne le croit. Armando Balice en convoque les fantômes dans une apocalypse lumineuse. [Guillaume Contré]
compilations
Prix Russolo, label Studio Forum, 2018
Singularities #3, label Singularities, 2017
Catastrophe, Audior, label OBS, 2016

